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"Attention Princesse
!"
L'escalier branlant vacilla dangereusement à mi-chemin alors
qu'une explosion secoua l'entresol. Eshin jeta un regard vers
le rez-de-chaussée, guettant l'apparition d'un autre monstre.
Lui et la Princesse Pimiko parvinrent enfin à l'étage et se
mirent à courir vers la chambre de leurs compagnons.
Le couloir était plongé dans une pénombre irréelle, éclairé
par intermittence par les violents éclairs qui déchiraient
le ciel d'orage. Ils virent soudain Samu et Takashi au bout
du couloir, et accélérèrent le pas dans leur direction.
Mais, quelque chose n'allait pas.
Eshin était certain que le couloir ne faisait pas plus de
vingt mètres de long - or ils ne semblaient pas rejoindre
leurs amis, même au pas de course. Les distances lui parurent
soudain comme distordues, et il ferma les yeux quelques secondes,
puis les rouvrit : lui et la Princesse n'avancaient pas, tout
comme leurs compagnons, et ils semblaient au contraire comme
patiner sur place, alors que le couloir se distordait au fur
et à mesure de leurs efforts.
La Princesse avait elle aussi remarqué cela, et cria vers
les deux autres, qui s'étaient eux-aussi apercu de l'étrange
sortilège qui les séparait de leurs compagnons :
"Samu ! Leste ton ruban et jette le moi !"
Le médecin détacha son ruban de soie rouge, le noua à un de
ses paquets d'herbes médicinales pour le lester, et le jeta
vers la Princesse et Eshin. Celle-ci tendit la main, et attrapa
le ruban.
Le contact était renoué. La Princesse et Eshin, les yeux fermés,
tirèrent sur leur côté du ruban et avancèrent en le longeant,
contrant les effets illusoires du sortilège. Les quatres amis
se retrouvèrent enfin à l'autre bout du couloir du couloir.
"Princesse, vous allez bien ?
- Oui, Samu, ca va. Nous devons quitter cet endroit au plus
vite, retournons dans nos chambres prendre nos paquetages
et abandonnons cet endroit."
Le médecin avala sa salive.
"Vous êtes sûre de vouloir retourner là-bas ?
- Oui, Samu. J'ai laissé des objets et des documents importants.
Je dois les récupérer.
- C'est bien compris, Princesse. Allons-y alors."
Et ils se remirent à courir.
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La prêtresse piqua
une nouvelle grimace.
"L'odeur du Mal se fait de plus en plus forte. Dommage que
je n'ai pas emporté de reliques, cela nous aurait bien aidé.
Zhang, passe-moi l'encens sacré."
Le lettré fouilla dans sa sacoche et tendit un lot de batonnets
d'encens à sa compagne. Elle allait le prendre, quand le mur
derrière elle s'abattit complètement, cédant la place à la
grande monstruosité humanoide dont le poignet avait été tranché
peu de temps auparavant par le compagnon de la Princesse Pimiko,
que cette dernière avait appelé "Eshin".
La prêtresse esquiva rapidement la charge du monstre énorme,
tandis que Zhang Liang l'attaqua directement, à la seule force
de ses poings. Le lettré multiplia les coups contre la masse
imposante du monstre, sans grand effet cependant, mais il
savait qu'il ne faisait que gagner du temps. Les mouvements
du monstre étaient lents, et il lui était aisé d'esquiver.
Soudain, une odeur familière se répandit dans la pièce. L'odeur
de l'encens sacré.
Yuko revint, brandissant plusieurs bâtonnets qu'elle venait
d'allumer, et commenca à réciter la Septième Stance des Bénédictions
de Zanonai, celle qui protégeait des influences démoniaques
et les repoussait. Ses mains jointes autour du bouquet d'encens
tremblaient légèrement sous la tension qu'elle s'imposait.
Le monstre rugit de rage en entendant les paroles saintes,
alors que les effluves de l'encens commencaient à lui ronger
la chair. Des lambeaux de ses muscles putréfiés tombèrent
sur le sol alors que l'encens continuait de faire son effet.
Soudain, un rire strident éclata à leurs oreilles. Une voix
de femme, moqueuse, leur lanca :
"Quel plaisir de voir une prêtresse venir se joindre à moi
ce soir... Il y avait longtemps que je n'avais pas goûté à
la chair d'un être empli de sainteté, je suis toute impatiente...
Viens à moi, Prêtresse, viens à moi et tu verras..."
Et un nouveau tentacule jaillit du plancher et fit trébucher
Yuko, qui fit tomber son encens et brisa la soumission qu'elle
imposait au démon. Celui-ci gronda de rage, alors que Zhang
Liang revenait à la charge.
Soudain, une forme ténébreuse frappa le lettré dans le dos,
lui lacérant la chair. Il se retourna pour voir la main tranchée
du monstre, toujours animée, et qui tentait à présent de l'étrangler,
dégageant une immonde odeur de pourriture...
Yuko le vit, mais ne put aller l'aider, alors que le monstre
lui-même se concentrait sur elle à présent. Elle se mit à
reculer dangereusement.
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"Le cri venait de
par là.
- Allons-y, vite."
Les deux guerriers foncaient à l'intérieur de la masure en
ruine, et débouchèrent sur une scène surprenante.
Un monstre humanoide de près de trois mètres de haut luttait
contre ce qui semblait être deux prêtres de Zanonai. L'un
des prêtres, une femme, tentait d'esquiver tant bien que mal
les assauts lents et maladroits de la créature, tandis que
l'autre, un homme, luttait désespérément contre ce qui semblait
être la main amputée du monstre et qui tentait à présent de
l'étrangler.
"Occupez-vous du gros, je me charge de la main," lanca Mitsunaga.
Ryu s'élanca, ses deux sabres aux poings, s'interposant entre
le monstre et la prêtresse. Celle-ci s'élanca alors sur les
batonnets d'encens répandus sur le sol, et les ramassa à la
hâte. A genoux, elle se remit à prononcer les paroles incantatoires
de la Septième Stance.
Zhang Liang était bleu, sur le point de mourrir étouffé, quand
Mitsunaga s'approcha, étendit la main et procéda à une gestuelle
à la fois fluide et complexe, en criant :
"Par la Voie des Armes, je t'ordonne de lâcher cet homme!
"
La main putréfiée s'immobilisa, frémit, puis relâcha lentement
son étreinte. Aussitôt, Zhang Liang se dégagea, et donna un
coup de pied circulaire qui projeta la main au sol. Mitsunaga
brandit son cimeterre, et frappa alors la chose qui remuait
tel un insecte, la tranchant en deux. L'énergie mystique contenue
dans l'arme s'occupa de dissoudre la chose dont ne resta bientôt
plus qu'un tas de cendres puantes. Zhang Liang s'effondra
alors, récupérant enfin son souffle.
A nouveau, un cri, mais cette fois c'était Ryu, le samourai,
qui venait de recevoir un violent coup dans le ventre qui
le fit lâcher ses deux lames. Pour une raison qu'ils ne parvenaient
pas à comprendre, la créature avait gagné en vigueur malgré
les prières de Yuko, et empoigna le guerrier de sa dernière
main, le projetant contre un mur qui éclata sous le choc,
projetant l'homme quelque part dans les ombres du dehors.
Ils entendirent un bruit étouffé, alors que Ryu se réceptionnait
tant bien que mal.
Le monstre se tourna vers Yuko, des fumerolles de vapeur noirâtre
s'échappant lentement de ses narines. La prêtresse semblait
avoir perdu contact avec la situation, toute concentrée sur
son incantation. Il se dirigea alors lentement dans sa direction,
Zhang Liang tendant la main et murmurant de sa voix à présent
rauque :
"Non..!"
Mitsunaga s'élanca à son tour, et dans un immense effort trancha
le monstre au niveau de la taille. Croyant s'en être débarassé,
le guerrier-mage fut des plus surpris lorsque la moitié supérieure
du monstre se retourna et lui flanqua un coup de poing qui
le jeta au sol, sa moitié inférieure continuant de marcher
vers Yuko.
Les deux moitiés du monstre se recollèrent alors l'une à l'autre
dans un éclat surnaturel, puis la main de la créature se tendit
lentement vers le cou de la prêtresse...
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"C'est bon, vous
avez tout ?
- Oui, Princesse, nous sommes prêts. Allons-y."
Les quatre compagnons se précipitèrent alors dans le couloir,
lorsque Eshin leur fit signe de ralentir.
"Quelque chose nous observe..."
Il se tourna soudain derrière eux, et jeta l'une de ses étoiles
de lancer dans l'obscurité. Un râle suivi d'un sifflement
hargneux s'échappa des ombres du couloir, alors qu'une silhouette
vaporeuse leur apparut. La foudre éclaira son visage, un visage
humain.
Une femme, vêtue d'un long kimono de cérémonie venait d'apparaître
devant eux, un léger sourire aux lèvres. Elle se mit à chanter,
d'une voix aussi pure que le crystal.
"Un Yorei ! Un esprit vengeur ! Prenez garde !", cria Samu,
brandissant l'un de ses talismans de papier. Le prêtre novice
jeta alors l'étiquette sur laquelle était gravés les premiers
vers sacrés d'une Bénédiction de Zanonai, prononcant une incantation
mystique, et le papier s'élanca alors sur la femme fantôme.
Celle-ci leva la main, et le papier se désagrégea dans une
gerbe de flamme.
"Si tu crois m'avoir avec ca, petit prêtre, tu te trompes..."
Et elle éclata d'un rire maléfique, et ses cheveux soudain
s'allongèrent pour l'attraper, l'enserrant dans une étreinte
mortelle. Takashi s'élanca avec son no-dachi et trancha la
chevelure noire et vaporeuse de la femme fantôme, et Samu
tomba par terre en lâchant un cri sourd. Le Yorei s'éleva
au dessus du sol, lévitant avec grâce, et à nouveau elle se
mit à chanter.
Samu cria :
"Ne l'écoutez pas ! Bouchez-vous les oreilles !"
Mais encore une fois, trop tard. Les yeux de Takashi et Eshin
étaient devenus vitreux, alors que le charme de la femme fantôme
s'imposait à eux. Le médecin se tourna vers la Princesse,
qui commenca à vaciller, puis il la vit mettre la main à sa
sacoche, en tirant un éventail.
Le chant de la fantôme s'amplifia, percant les tympans de
Samu qui tentait désespérement de se boucher les oreilles
malgré les cheveux dans lesquels il était toujours empêtré.
Le Yorei s'approcha de lui, guettant le moment où il faiblirait,
quand soudain la Princesse Pimiko se posa devant la femme
fantôme, et agita son éventail d'un revers de la main face
à la bouche de la créature :
"LA FERME !"
Et la magie de l'éventail fut libérée.
Le Yorei porta la main à sa gorge, tout à coup muet, portant
un regard désespéré vers la princesse. Cet ancien artefact
Scarabée était connu sous le nom d'<i>Eventail du Silence</i>,
et permettait de mettre au silence tout individu osant défier
son porteur. Il s'agissait d'un cadeau de l'Empereur lui-même
à la Princesse juste avant son départ pour les terres Gogenso,
et elle venait de s'en servir pour la première fois.
Takashi et Eshin reprirent leurs esprit, et brandirent alors
leurs lames vers le monstre soudain aphone.
La créature s'éleva alors dans les airs, puis dans un geste
désespéré, projeta une rafale de vent contre le plancher,
qui n'en demanda pas plus pour céder sous eux.
Ce fut dans un grand cri que les quatre héros atterrirent
au rez-de-chaussée.
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"Non..!", disait Zhang Liang,
mais sa voix était trop faible. Il tenta de se relever pour
venir en aide à Yuko avant que le monstre ne l'atteigne, mais
il était trop faible, ses poumons le brûlaient du fait de
sa récente asphyxie sous la poigne de la main du démon.
Un craquement au plafond attira son attention.
C'est bouche-bée qu'il vit atterrir quatre personnes en plein
milieu de la pièce, dans un énorme nuage de poussière, deux
d'entre elles se débrouillant pour s'écraser en plein sur
le démon.
Il reconnut la Princesse Pimiko et son garde du corps Eshin,
mais les deux autres lui étaient inconnus. C'étaient ces deux
là justement qui avaient atterri sur le monstre...
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Ce fut avec un hurlement de terreur
que Samu accueillit l'idée d'avoir atterri en plein sur la
tête d'un monstre hideux dont les narines dégageaient des
vapeurs pestilencielles. La laideur du démon n'arrangeait
pas les choses, et le contact gluant de sa peau putréfiée
l'amena à explorer des tons jusque là inexplorés dans la gamme
des aigus.
Il se dit enfin (après quelques minutes d'un beau cri) qu'il
serait peut être temps d'arrêter de hurler lorsque ses compagnons
lui firent comprendre que le monstre était hors de combat.
Takashi, en tombant, avait empalé le monstre avec son no-dachi,
et le démon était à présent immobile, sur le plancher poussiéreux.
Il finit par se calmer, reprenant enfin son souffle.
Il regarda autour de lui et vit ses compagnons, avec quatre
étrangers. Il se releva vivement, un peu honteux, et on procéda
aux présentations d'usage chez les Scarabées (car il faut
bien plus qu'une maison remplie de monstres et de démons pour
ôter aux Scarabées leur infini sens de la courtoisie et de
la politesse).
Le médecin se pencha alors vers le lettré du nom de Zhang
Liang et lui tendit deux pilules qu'il avait pris dans sa
sacoche.
"Tenez, prenez ces pilules, elles vont faire passer la sensation
de brûlure dont vous souffrez à cause de l'asphyxie.
- Merci infiniment, Samu-san. Soyez remercié pour votre attention
et ce geste Ô combien généreux. Puissent Zanonai et tous les
kamis vous accorder leur bénédiction pour vous et tous vos
descendants.
- Ce fut un honneur pour moi que de vous avoir rendu service,
haut érudit du Clan des Gardiens du Savoir, et ...
- Grumph."
Le grognement caractéristique de Takashi Isao les interrompit
- ce qui dans le langage particulier de l'ex-ronin signifiait
(évidemment, il est impossible d'en rendre toutes les subtiles
nuances) :
"Trève de bavardage, il est temps de se casser d'ici."
Et les huit voyageurs sortirent de la maison en ruine.
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"C'est moi ou la sortie a disparu
?
- Hum..."
Ils inspectaient avec surprise la portion de mur qui s'élevait
à présent là où se trouvait le portail par où ils étaient
entrés dans la cour de l'auberge hantée. La pluie battante
n'arrangea pas leur humeur.
"Le mur fait soixante centimetres d'épaisseur, et pres de
trois metres de haut. Impossible de passer.
- On peut toujours escalader.
- Et laisser nos chevaux ici ?
- Pourquoi pas ?
- Tu te rends compte que la forêt doit elle-aussi grouiller
de loups et de monstres ?
- Hmmm, je n'y avais pas pensé. Qu'est-ce qu'on fait alors
?"
La prêtresse Yuko proposa :
"Nous pouvons toujours rester ici et nous abriter quelque
part. Je pense pouvoir repousser les fantômes et les démons
jusqu'à l'aube, et vous pourrez alors repartir.
- Nous aussi, nous repartirons, non ?, " intervint Zhang Liang,
le regard en biais.
"Non, je veux rester ici et dénicher le corps du démon qui
hante cette auberge. De jour il sera affaibli, et nous aurons
alors toutes les chances de pouvoir le détruire."
Gros soupir contrarié (le deuxième de la soirée pour être
exact).
"Je suppose que je ne peux pas t'empêcher de faire ca.
- Bon, occupons-nous déjà de survivre à cette nuit, le reste
on verra plus tard," lanca Eshin, toujours aussi pragmatique.
"Retournons à l'abri alors, à l'interieur au moins nous ne
risquerons pas de nous enrhumer...", dit la Princesse Pimiko,
et tous la suivirent vers la sinistre silhouette de l'auberge
hantée...
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