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Le
9 février 1102, fin de matinée.
"Bonjour, Ryu-san. Voici Takahiwa Beiren, le Doyen de l'Académie
de Médecine de Takahiwa. Il est notre plus grand spécialiste
en pharmacopée et en Alchimie, et je pense qu'il est le plus
compétent pour t'aider si j'ai bien compris tes besoins.
- Je te remercie, Samu-san."
Le Capitaine de la Garde du Shogun se tourna vers l'homme
entre deux âges qui se tenait au côté de Samu Jiro et s'inclina.
Après les traditionnelles présentations, Ryu invita Takahiwa
à s'asseoir, alors que Samu Jiro prit son congé.
Une fois le médecin parti, Ryu sortit la lettre de menace
recue la veille, et la tendit au Doyen Takahiwa. Celui-ci
la parcourut rapidement, et jeta un regard interrogateur au
Capitaine de la Garde du Shogun, qui y répondit en disant
:
"Takahiwa-sensei, pouvez-vous déterminer la composition de
l'encre avec laquelle a été écrite cette lettre ?"
Takahiwa passa ses doigts sur les signes calligraphiés, et
murmura :
"Je peux le faire, oui. Laissez-moi une après-midi. Je vous
ferai parvenir les résultats ce soir.
- Entendu, Takahiwa-sensei, soyez-en mille fois remercié.
- Je ne fais que suivre la voie que me trace l'Honneur. Ainsi
en est-il de ma loyauté envers le Shogun et l'Empereur."
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Samu
Jiro marchait avec hâte jusqu'aux bureaux qu'on lui avait
prêté dans l'enceinte du Palais du Shogun. Il avait encore
beaucoup à régler, et même ici, Gogenso Kishiro, le magistrat
qui le remplacait pendant ses absences du territoire du Clan,
trouvait le moyen de lui faire parvenir dossiers et notes
de travail. Aurait-il jamais le temps de souffler un peu ?
Il s'arrêta net devant sa porte quand il vit, posée sur son
bureau, une lettre portant le cachet de la Princesse Pimiko.
Il s'approcha et tendit la main vers le papier fin quand une
main le retint. Il se retourna, prêt à sa défendre d'un éventuel
intrus lorsqu'il reconnut Takashimi Eshin, le yojimbo de la
Princesse.
"Eshin ? Que fais-tu ici ?
- Il se passe des choses graves, Samu-san, et tu peux m'aider.
- Est-ce à propos de cette lettre posée sur mon bureau ?
- Peut-être y est-ce lié, oui.
- Je suppose que tu veux la lire ?
- Au nom de la sécurité de Pimiko-hime, je te demande d'obtempérer."
Samu le regarda un instant dans les yeux puis sourit.
"Tu sais que tu auras toujours mon soutien quand il s'agit
de la Princesse, Eshin."
Le médecin prit la lettre, la décacheta et commenca à lire.
Il pâlit brusquement. Eshin se pencha pour lire :
"Il est revenu."
Ces quelques mots couchés sur le papier par la Princesse Pimiko
eurent un effet immédiat sur Samu, qui porta aussitôt sa main
au niveau du coeur, comme si une douleur intense l'avait frappé.
"Qui est ce "Il", Samu-san ?"
Le médecin se tourna vers Eshin, et murmura :
"Je... je n'ai pas le droit d'en parler... J'ai... j'ai fait
un serment...
- Samu-san, la vie de la Princesse est-elle menacée ?"
Le médecin resta silencieux, tremblant légèrement, puis, par
un grand effort de volonté, répondit :
"Oui."
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La
Princesse marchait aussi vite que ne le permettait les convenances,
au sein du Palais de son futur époux, suivie de trois servantes.
Mais ce n'était pas le Shogun qu'elle était venue voir, mais
son vieil ami, Samu Jiro.
Elle parvint devant son bureau, fit signe à ses servantes
d'attendre devant la porte, et y entra. Le médecin et Eshin,
son garde du corps, étaient en train de discuter. Jiro avait
sa lettre à la main.
Elle serra légèrement le poing, geste caché dans la vaste
manche de son kimono. Eshin allait être impliqué, ce qu'elle
refusait. Seul elle et Jiro devaient affronter ce qui allait
venir. Mais c'était là le genre de chose auquel elle devait
s'attendre avec son yojimbo...
Le médecin posa lentement la lettre, et s'inclina devant la
Princesse. Malgré son statut de roturier, Pimiko l'avait toujours
considéré comme un ami, et l'avait donc toujours dispensé
de s'agenouiller front contre terre en sa présence.
"Samu, tu as lu la lettre ?
- Hai"
Le ton de sa réponse suffit à la Princesse. La voix d'Eshin
s'éleva :
"Princesse, au nom de votre propre sécurité, voudrez-vous
répondre à mes questions ?"
Eshin se montrait audacieux. Jamais il n'aurait été autorisé
à lui parler ainsi en temps normal, mais la Princesse sentait
la tension qui emplissait son yojimbo. Mais elle n'avait pas
l'intention de répondre.
"Pimiko-hime, Eshin en sait déjà trop. Nous devons lui faire
confiance.
- Si je le fais, il mourra, tout comme toi.
- Votre vie est plus importante que la nôtre."
Ces derniers mots, Eshin et Samu Jiro l'avaient prononcé ensemble.
Elle recula, imperceptiblement. Son statut de princesse de
sang impérial l'irritait parfois, et le cas présent n'y échappait
pas. Elle les regarda dans les yeux, et sut qu'ils ne mentaient
pas.
Eshin et Samu ne mentaient jamais.
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